Pourquoi choisit-on de cohabiter ? Y a-t-il un renouveau de la colocation ou de la cohabitation ? Meilleure solution trouvée à une situation économique difficile, c’est aussi parfois un idéal de vie. Les lieux abritant des cohabitants sont-ils adaptés à la vie en communauté ? Ont-ils été pensés dans ce but ? Permettent-ils de mettre en scène les idéaux de départ ? Comment ont-ils évolué ?
Monique Eleb chercheuse associée au laboratoire Architecture, culture et société de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris, et Sabri Bendimérad, chercheur associé à l’École nationale supérieure d’architecture de Rouen, ont mené l’enquête sur le terrain auprès des acteurs d’une dizaine de « cohabitations » : une colocation étudiante dans un appartement post-haussmannien (Paris), un éco quartier de Nantes, un immeuble de Mulhouse, des logements habités par des familles recomposées ou des célibataires cinquantenaires en grande banlieue parisienne, une résidence conçue par des retraitées à Montreuil (la « maison des Babayagas »), un « papy loft » à Moult (Calvados) et une « share house » à Nagoya (Japon).
La sociologue de l’habitat et l’architecte se sont intéressés à l’agencement des espaces communs ou interstitiels, qu’ils soient partagés à l’échelle d’un logement par un groupe d’étudiants ou une famille recomposée, circonscrits à un patio ou un jardin pour des habitations indépendantes, ou mutualisés entre plusieurs appartements par des personnes âgées. Partout, ce mode de vie collectif se construit au fil du temps, « grâce à mille ajustements, de déconvenues en déceptions, mais aussi grâce à des actes de soutien, d’entraide psychologique et financière, de contacts se transformant en relations qui peuvent devenir de l’amitié ».
Plus que l’organisation spatiale de la cohabitation, ce sont ses aspects humains qui les ont marqués et la nécessité d’une médiation à moyen terme entre co-occupants. « On ne mesure jamais le coût social de l’ennui, de la solitude ou des petites difficultés de la vie quotidienne, surtout celles dues à la mobilité ou à la dépendance, qu’elle soit physique ou psychologique. Ceci nous conduit à insister sur la nécessité d’une organisation liée à une présence humaine (surtout dans les situations de vulnérabilité ou de fragilité de certaines phases de la vie) au-delà de l’organisation spatiale, même si celle-ci est une des conditions nécessaires à la réussite de la cohabitation », concluent-ils.