En tant que propriétaire d’un bien immobilier, vous disposez, en principe, de tous les droits sur celui-ci : vous pouvez l’utiliser, le vendre, le donner… Il est toutefois possible de « démembrer » la propriété en attribuant à différentes personnes des droits distincts sur un même bien. Les explications de Stéphanie Laubreaux, notaire associée à Nouméa.
Le droit de propriété rassemble trois prérogatives : l’usus, qui est le droit de détenir et d’utiliser la chose ou le bien, le fructus, celui d’en percevoir les fruits (revenus), et l’abusus, qui permet de disposer de la chose ou du bien. Dans certains cas, comme une donation ou une succession, le démembrement de propriété peut être une solution intéressante, notamment d’un point de vue fiscal ou encore pour protéger financièrement un conjoint survivant. Il entraîne la création de deux droits distincts. « Le nu-propriétaire a la nue-propriété : il ne peut pas utiliser le bien, mais son accord est nécessaire pour le vendre. L’usufruitier a l’usufruit : il peut utiliser le bien – s’en servir, le mettre en location et percevoir les loyers – mais ne peut pas le vendre sans l’accord du nu-propriétaire », précise Stéphanie Laubreaux.
Lorsque l’usufruitier et le nu-propriétaire cèdent, ensemble, la pleine propriété d’un bien démembré, trois possibilités s’offrent à eux. « S’ils décident de répartir le prix de vente, le démembrement prend fin et le prix sera réparti par le notaire entre usufruitier et nu-propriétaire, soit selon le barème fiscal de l’article Lp 264 du Code des impôts de Nouvelle-Calédonie (Lire Loi du pays n° 2007-1 du 09 janvier 2007)
portant réforme des droits d’enregistrement et de la taxe hypothécaire, soit en fonction d’une évaluation économique des droits démembrés », commente la notaire. Inconvénient majeur de cette solution : en même temps que le démembrement, l’intérêt fiscal est également supprimé.
Seconde possibilité : remettre la totalité du prix de vente à l’usufruitier. Il est mis en place un « quasi-usufruit » portant sur une somme d’argent. « L’usufruitier peut tout à fait dépenser l’argent mais, à son décès, cette somme devra être restituée au nu-propriétaire sur le montant de la succession, en numéraire ou sous forme de biens mobiliers ou immobiliers. On parle de créance de restitution », ajoute Me Laubreaux.
Troisième hypothèse : le démembrement perdure entre usufruitier et nu-propriétaire. Il est alors reporté sur un nouveau bien acquis en remployant les fonds issus de la vente du premier bien. « La jurisprudence a sans cesse réaffirmé le caractère obligatoire d’un acte dûment enregistré pour constater ce remploi et afin de le rendre opposable au fisc, signale Me Laubreaux. Vous l’aurez compris, quelle que soit l’option retenue par les vendeurs, il est important d’anticiper, et ce au préalable dès la mise en place du démembrement, par exemple par des clauses appropriées dans la donation ou par un testament. »
Article paru dans IMMOCAL #206 JUIN 2023
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